Alors que la Guinée ressemble à un bateau ivre qui tangue en pleine tempête, des voix se lèvent pour appeler à redresser la barre. La démarche vise à éviter notre pays de chavirer, d’inciter les tenants du gouvernail à agir avec intelligence pour amener la Guinée vers de nouveaux horizons d’espérance. C’est ce qu’ont fait les Evêques de la Conférence Episcopale de Guinée, qui ne veulent pas jouer à l’indifférent, dans un contexte de pénurie généralisée et de désaffection pour les dirigeants de la transition. Ci-dessous, des extraits :
« Parallèlement et concomitamment à l’actualité dont les chefs d’orchestre sont les autorités et les gouvernants, nous signalons cependant comme signe d’un laisser-aller ou d’un délaissement, la montée de l’insécurité dans les villes, le nombre d’accidents croissant sur les routes, la fréquence des incendies à Conakry et dans les villes et villages, et une agression permanente de notre mère la terre et de notre environnement.
On enregistre en effet dans plusieurs villes et plus particulièrement en Haute-Guinée des attaques à mains armées en pleine journée et durant les nuits. Sur les routes, il ne se passe pas une semaine sans qu’on ne signale des accidents graves et mortels de cars, bus et minibus faisant des dizaines de morts et des dégâts matériels importants. Ces accidents sont généralement dus à des excès de vitesse, au manque d’entretien des véhicules et à l’imprudence des conducteurs. Dans le même temps, nos campagnes sont confrontées à des feux de brousse qui détruisent le couvert végétal, la faune et la flore ainsi que les substances nutritives du sol. Ces feux de brousse ainsi que la coupe désordonnée du bois ont changé nos savanes et forêts en désert, et tout semble aller à ‘’vau-l’eau’’ et sans gouvernail dans notre pays. Qui donne l’impression de ne pas être gouverné avec rigueur et avec des directives sûres.
Dans ce contexte, toutes ces difficultés sont aggravées par un manque de visibilité dans l’orientation, le programme et le calendrier de la transition.
En effet, au témoignage de tous, l’enthousiasme et le flot d’espérance qui ont accueilli l’avènement du CNRD le 5 septembre 2021 et qui se sont exprimés spontanément à la célébration du 02 Octobre 2021 dans les rues et sur les places publiques ont aujourd’hui cédé la place au doute, aux questionnements, voire à la déception. Et les faits qui ont conduit à cette extinction de l’espoir et de la joie ont eu et ont encore pour nom : les coupures d’internet du 24 novembre 2023 au 23 février 2024, la suppression de plusieurs médias sur le bouquet canal, le brouillage des ondes de certains, l’emprisonnement de certains journalistes, etc. Plus que des délestages, il règne actuellement une véritable pénurie d’électricité et d’eau courante dans la capitale Conakry et dans d’autres villes de l’intérieur, sans compter une montée fulgurante du prix des denrées de première nécessité : riz, huile, sucre, oignons, etc.
Et l’ensemble de toutes ces difficultés est aggravé par un manque de visibilité quant aux objectifs, au contenu et au calendrier de la transition pour laquelle on parle de glissement jusqu’en 2025 et de recherche de cap certainement pour 2026. Cela va nous amener à près de cinq ans de transition, ce qui équivaut à un mandat. Et toute cette période de transition est caractérisée par une aggravation de la situation des millions des jeunes diplômés sans emploi qui, comme on dit en Guinée, « se débrouillaient » dans les ateliers, les salons de coiffure, les garages, etc. Et le manque d’électricité avec les restrictions de l’espace médiatique vient exposer ces jeunes qui ont du mal à joindre les deux bouts a une précarité et une misère économique plus grande encore….
Que retenir de tout cela ?
Face à tous ces événements ci-dessus cités et pour lesquels les autorités ont évoqué des raisons de sécurité nationale sans d’autres explications, face à toutes ces frustrations et restrictions sur les libertés individuelles et publiques, nous, Evêques catholiques de Guinée, invitons, tout d’abord les autorités politiques du pays à tenir compte de la nécessité et de l’urgence à clarifier le calendrier de la transition, avec son programme, sa stratégie et ses objectifs. Ceci permettrait à tous de voir clair et de regarder l’avenir avec confiance.
Dès lors nous, vos pasteurs de l’Église catholique de Guinée, chargés de vous apporter la lumière de Dieu, nous Interpellons gouvernants et gouvernés, forces vives et manifestants, autorités religieuses, notables et citoyens à définir un nouveau cadre ou un dialogue réellement inclusif (avec les exilés et ceux qui seraient empêchés physiquement et moralement), sans menace qui pèse sur qui que ce soit. Ceci permettrait de retrouver la paix et d’aller à des élections transparentes, pour discuter avec franchise et sincérité sur les défis actuels de la démocratie en Guinée et sur les perspectives d’avenir de notre pays. Ensuite, Il faudra trouver ensemble, les voies et moyens pour retrouver la paix et redonner le sourire aux guinéens.
Nous, vos pasteurs de l’Église catholique, nous prenons sur nous la responsabilité de convier tous les guinéens et guinéennes de l’intérieur et de la diaspora, à une grande célébration de demande de pardon (à toutes les victimes des différents régimes qui se sont succédé dans notre pays depuis le temps colonial jusqu’à aujourd’hui), de réconciliation entre nous et avec tous les défunts, et de purification ou conversion pour changer nos mentalités. La date et les modalités de cette grande cérémonie seront à définir par la suite.
Ceci donnerait l’occasion à nous tous de renoncer à nos intérêts personnels et égoïstes, de rechercher une saine éthique de gestion du bien commun, de développer le respect de la personne humaine qui est sacrée, et d’établir durablement une culture de la paix et non une mentalité de l’affrontement et de la méfiance. Ce sont là les gages d’un vrai développement de la Guinée.
Que Dieu bénisse la Guinée et les guinéens, qu’il visite et comble chacun de nous de sa présence, afin que nous soyons capables de changer de mentalité et d’épouser les sentiments qui sont ceux de Dieu à savoir la paix, la justice, la solidarité et l’amour.
Fait à Conakry le 3 mai 2024
Les Evêques de la Conférence Episcopale de Guinée »
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