
L’heure de vérité a-t-elle sonné sur le cadran de l’Histoire ? « Le chemin du mensonge est court », proclame un aphorisme africain. Si court que le deal secret passé entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi est en train d’éclore, comme une fleur vénéneuse. Les deux amis d’hier sont devenus, aujourd’hui, des pires ennemis. Vont-ils engager un bras de fer sanglant ?
En ce moment même, l’ancien président Kabila séjourne à Goma, depuis le 25 mai, après avoir été dépouillé de ses immunités parlementaires par Kinshasa. En sa qualité de sénateur à vie. De ce fait, devenu justiciable comme tous les citoyens, il aura à répondre devant la justice congolaise de ses actes pour « traîtrise ». Principalement.
C’est une mise en accusation formelle. Il est accusé d’être de mèche avec la rébellion, sinon le patron de ce mouvement.
Qui aurait pu imaginer un tel scénario calamiteux, au regard de la date du 24 janvier 2019, lorsque que le nouveau président « élu », Félix Tshisekedi, prêtait serment constitutionnel ? Par la seule volonté d’un Kabila, tout puissant, qui avait voulu que les choses se passent de cette manière. Après avoir confisqué la victoire de l’opposant Martin Fayulu, puisque c’est lui qui avait gagné haut la main les élections de 2018.
Scène grandiose soit-il, agrémentée par un slogan tape-à-l’œil : « Passation de pouvoir civilisée ». Alors qu’en réalité tout cela était faux. L’avenir vient de prouver le contraire.
Goma : seconde capitale
En dépit de tout, il y avait de l’effusion, de l’émotion, mais aussi du « doute cartésien » dans l’air. Effusion de joie pour l’ancien président, Joseph Kabila, qui venait de passer le flambeau à un comparse. A un homme de paille. En vue d’assurer sa protection. Mieux, sa survie politique. Emotion pour qui croyaient que l’événement avait tout son sens, car, selon eux, il était fondé sur les principes de la démocratie et, enfin, indifférence pour ceux-là qui doutaient. Pour ces derniers, Tshisekedi ne pouvait aucunement gagner les élections, par la voie des urnes.
Depuis, il y a presque sept temps, l’eau a coulé sous les ponts. Sur le chemin, les deux alliés de circonstance commencent à se brouiller. D’abord, par des heurts à fleurets mouchetés, puis, par des coups de boutoir. Jusqu’à ruiner totalement leurs liens. La rupture se fait dans la douleur. Tshisekedi ayant l’impérium frappe fort. Subtil, Kabila s’éloigne, officiellement, pour compléter son cursus universitaire, en Afrique du Sud.
Puis, c’est le bouquet : vitupéré, vilipendé et humilié, l’ancien président de la République est accusé de tout. La suite, c’est sa décision de s’installer à Goma, au sein de la rébellion AFC/M23.
Les conséquences de cette grave décision, au-delà de toute autre considération, est le fait que la RD Congo est, désormais, coupée en deux parties. Comme ce fut le cas en 1961-1962 : la province Orientale et celle du Kivu unie, y compris le Maniema, ayant eu pour capitale Kisangani, sous la conduite des « lumumbistes ». Avec à leur tête le nationaliste Antoine Gizenga ; le reste du territoire ayant été sous l’autorité de Kinshasa. Qu’on veuille ou non, Goma devient aujourd’hui une deuxième capitale du pays, puisque des décisions importantes y seront prises. Petit à petit, on en est déjà à la configuration du Congo de l’après l’indépendance, en 1960.
Sera-ce la fin de l’histoire ? L’ancien sénateur à vie semble y avoir déjà apporté la réponse. Dans son discours au peuple congolais, avant de gagner la capitale du Nord-Kivu, il a proposé douze points, en guise de solutions pour résoudre la crise congolaise. Comme « hypothèse de travail », il a envisagé en tout premier lieu la « fin de la dictature ». Autrement dit, la défenestration de Félix Tshisekedi, président de la République.
Est-ce par un coup d’Etat ? Par la guerre, puisqu’il a évoqué sa qualité de militaire, assortie du serment de défendre la patrie jusqu’au sacrifice suprême ? Par négociations, en mettant à contribution la communauté internationale ?
A propos de cette dernière interrogation, beaucoup de sources indiquent que le doctorant à l’université de Johannesburg, en Afrique du Sud, ne s’était pas occupé que de ses recherches. Il a mis ce temps à profit pour des contacts diplomatiques utiles. A cet effet, il aurait rencontré beaucoup de chefs d’Etat africains, anciens comme nouveaux, dans le but de se procurer une sorte d’aval pour se poser en faiseur de paix.
Fin du secret d’Alcôve
Tout compte fait, à vue de nez, on s’aperçoit que l’exercice auquel se livrent avec hargne les deux belligérants n’engage pas les intérêts du peuple. Ils se battent chacun de leur côté pour le pouvoir. En Namibie, en 2018, devant un parterre de chef d’Etat, Kabila n’avait-il pas déclaré : « Ce n’est pas un aurevoir, je vous dis à bientôt » ? Tout est clair. Quant à Tshisekedi, sa volonté liée à « j’y suis et j’y reste » n’est pas à démonter. Le seul fait de vouloir changer la Constitution, taillée à l’aune de ses ambitions personnelles, en est une des preuves tangibles parmi tant d’autres.
Quoi qu’il en soit, l’actuelle classe politique congolaise a déçu. Une mise à plat générale s’impose. A entendre les gémissements de la clameur publique, le souhait du peuple congolais est de ne plus jamais voir à la tête du pays quelqu’un ayant appartenu à un attelage de corrompus. Ni Kabila ni Tshisekedi. Ni même Nangaa, ce dépositaire du fameux deal Kabila-Tshisekedi. Texte qui existe bel et bien, mais que personne n’a jamais vu, du fait qu’il constitue le sous-bassement de la fraude électorale de 2018. Pauvres hères, ils sont tous médiocres !
Enfin, c’est le début de la fin. Sans conteste. Tout sera connu, mis à nu par les deux amis eux-mêmes, devenus des ennemis jurés. A ce stade des choses, dans toutes les affaires du monde, l’Histoire nous renseigne que les rideaux cachant le secret d’Alcôve finissent fatalement par se déchirer.
Dans cette optique, que deviendrait le sort de la proposition du deal en perspective entre la RD Congo de Tshisekedi et l’Amérique de Donald Trump ? Laisserait-on la souveraineté sur les matières minières du pays être violée, en se les partageant avec le Rwanda ? Somme toute, une première dans l’Histoire !
Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais réfugié en France
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