
« Faites entrer l’accusé Joseph Kabila » ! Un ordre qui a peu de chance, sinon aucune probabilité, d’être exécuté, devant la Haute Cour militaire qui juge, l’affaire dite « Joseph Kabila ». Un dossier qui vaut son pesant d’or, tant au vu du statut de l’accusé que des chefs d’accusation XXL qui pèsent sur lui. Pour faire simple, celui qui comparaît n’est autre qu’un ancien chef de l’Etat, qui portait, il y a si peu de temps, la casquette non moins importante de sénateur à vie.
En principe, ses immunités devraient constituer une cuirasse inattaquable lui permettant d’être à l’abri de tout procès. Sauf que, déchu de tous ces privilèges juridiques, il doit répondre, devant la justice du pays dont il était le chef puissant et omniscient, de faits dont les peines encourues sont lourdes, très lourdes : déportation et occupation à force ouverte de la ville de Goma, crime contre la paix, torture, viol, participation à un mouvement insurrectionnel, homicide intentionnel par balle, apologie, trahison. Rien que ça !
Mais, comme il fallait s’y attendre, le procès du siècle, car mettant en scène, pour la première fois en RD Congo, un ancien chef de l’Etat, se déroule sans l’accusé. Pas même un avocat n’est présent pour porter sa défense. En tout cas, au deuxième jour du jugement, ce jeudi, le prétoire n’était occupé que par les parties civiles et leurs avocats, à qui la Haute Cour, en renvoyant la suite du jugement dans une semaine, donne le temps de prendre connaissance, de fond en comble, des pièces du dossier. Tout se passe visiblement, selon les projections de neutralisation de Joseph Kabila, considéré par Kinshasa comme soutien de l’AFC/M23.
A défaut d’être pointé comme le maître à penser du mouvement rebelle qui règne sur les villes de Goma et de Bukavu, l’accusation de collusion soulevée contre Joseph Kabila devrait suffire pour l’exposer à des poursuites devant le condamner, certainement par contumace ! Un mandat d’arrêt international, en attendant d’être exhibé, est, sans doute, dans les tiroirs, pour parfaire la traque de l’accusé qui est retourné en exil. Son retour, bien qu’éphémère est, du reste, à l’origine de tous ses malheurs. Un come-back home par Goma, ville sous occupation de l’AFC/M23, comme l’avait annoncé et fait Joseph Kabila, ne pouvait qu’être, selon Kinshasa, un aveu de complicité avec le mouvement !
Questions : en dehors de suppositions et de déductions, pour le moins peu sérieuses, tirées d’éléments obtenus d’Internet, quelles sont les preuves réelles et imbattables que détiendraient les détracteurs de Joseph Kabila ? Est-ce que ce procès dont le verdict est connu d’avance, n’est pas qu’un simple moyen pour Félix Tshisekedi de trouver un bouc émissaire, en l’absence de toute véritable stratégie pour restaurer l’intégrité physique de son pays ? Si tant est que Joseph Kabila est proche de l’AFC/M23, ce jugement n’est-il pas le meilleur moyen de radicaliser la position du mouvement, donc de renforcer le viol du cessez-le-feu prôné par la Déclaration de principes signée par Kinshasa et les rebelles à Doha ? Le procès ira-t-il à son terme, ou sera-t-il annulé comme certains l’espèrent ?
De toute façon, les armes continuent de tonner pendant que les représentants des belligérants proclament des « principes », loin du théâtre de guerre.
Sans se muer en avocat du diable, c’est dire combien, d’une manière ou d’une autre, le procès Joseph Kabila…sans Kabila, constitue un boulet pour le retour à la paix en RD Congo !
Par Wakat Séra (Burkina Faso)
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