
Après les élections la tension ! Ce ne sont pas les premiers vers d’un poème à succès mais, malheureusement, le condensé en peu de mots, de la situation volcanique que vit la Tanzanie, après des élections présidentielle et législatives démocratiques… fermées.
Après avoir incarné l’espoir des populations, lorsqu’elle a assuré un bout de mandat présidentiel à la suite de la mort de John Magufuli, en 2021, Samia Suluhu Hassan, en quête d’un deuxième mandat plein, a mis le pays d’abord sous coupe réglée, et maintenant sous couvre-feu. Elle était surtout certaine de sortir vainqueur de la présidentielle tanzanienne de ce mercredi 29 octobre, entrant dans le cadre des élections générales qui se sont déroulées sous haute tension, dans des manifestations houleuses, avec coupures d’internet et sous couvre-feu.
Mais, le boulevard que la première présidente de la Tanzanie pensait ouvert pour elle, en l’absence de l’opposition dont le chef, Tundu Lissu, croupit dans les geôles du pouvoir, accusé de trahison, s’est vite transformé en une étroite piste, prise d’assaut par des manifestants réclamant des « réformes » avant les « élections ». Un vote qui finit dans le chaos des balles réelles, des gaz lacrymogènes, des incendies de toutes sortes, et surtout sans les opposants qui ont été mis hors-course avant le début même de la compétition.
Avant même la proclamation des résultats, la présidente sortante en quête d’un deuxième mandat, cette fois-ci obtenu dans les urnes, n’a pas résisté à la tentation d’organiser des scrutins interdits à l’opposition, la vraie. Résultats des courses, la révolte populaire, restée longtemps en sourdine, a éclaté dans presque tout le pays, où, depuis deux jours, la police ne laisse aucun répit à des manifestants aux mains nues qui n’ont que leurs voix pour crier leur ras-le-bol d’un régime incapable de répondre aux attentes d’un peuple trop longtemps muselé.
Dar-es-Salaam, Arusha, Kigoma, Songwe, Mwanza, etc., bien que privées de connexions internet et 4G, sont en ébullition. Et des morts, il y en a la pelle, bien qu’aucun bilan officiel ne soit disponible pour corroborer des chiffres qui évoquent plus de la centaine de manifestants tués. Quel seuil doit atteindre la tuerie et les violences pour que la Tanzanie retrouve sa quiétude ? Jusqu’où les politiciens vont-ils pousser le bouchon, affichant leur soif inextinguible du pouvoir et leurs intérêts égoïstes et très personnels, au mépris du mieux-être des populations ?
Malheureusement, la Tanzanie ne détient pas le monopole des élections démocratiques sans opposant ! En Afrique, la démarche la plus sûre pour gagner les élections, notamment la présidentielle, a été trouvée par les dirigeants. Il suffit d’écarter les opposants de la course. Les moyens pour y parvenir sont tout autant faciles. Certains sont embastillés, et d’autres contraints à l’exil. Les plus chanceux, peuvent rester auprès des leurs, mais sont déchus de leur droit d’éligibilité et d’électeurs, par justice interposée.
La recette, sans être miraculeuse connaît un succès franc, quel que soit le pays où cette option est expérimentée. Il suffit de mettre en place un laboratoire d’apprentis sorciers rompus à la chose électorale. Il suffit également d’avoir un peuple maintenu dans l’obscurantisme et la misère, incapable de décrypter un programme électoral, mais disposé et disponible à vendre sa voix pour un sac de riz, une miche de pain, et une boîte de sardines, le tout emballé dans quelques billets de banque, de préférence neufs craquants. Le reste du puzzle est complété par des intellectuels et politiciens véreux, capables, comme le dirait l’autre, de brûler une forêt pour chauffer leur café.
Par Wakat Séra
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