
C’est une réalité qui passe sous les radars de l’information : l’Afrique brûle en permanence. On le sait grâce à plusieurs satellites d’observation qui détectent, notamment, les nuages de monoxyde de carbone, le gaz issu de la combustion. Les cartes quotidiennes des incendies sont éloquentes, quasiment en temps réel – il faut deux ou trois heures pour que les données arrivent sur Terre et soient traitées.
Un nuage rouge, certains jours impressionnants, recouvre l’Afrique d’est en ouest, entre la bande sahélienne et l’Afrique centrale. « Il n’y a pas un jour de l’année où je n’ai pas des incendies en Afrique. C’est en permanence, témoigne Cathy Clerbaux, directrice de recherche au CNRS, qui travaille sur le suivi de la composition de l’atmosphère, grâce aux données d’un satellite européen, IASI. C’est d’ailleurs toujours un peu bizarre pour nous parce que quand il y a des incendies importants quelque part en été, on en parle beaucoup. Par exemple les feux en Californie, ou ceux de Los Angeles en janvier dernier, qui détruisent des maisons. Mais en fait, vu du satellite, les feux les plus importants sont de loin les feux qui se produisent en permanence en Afrique, et en Amazonie à certaines périodes ».
Deux fois plus d’incendies en vingt ans
Le continent africain concentre à lui tout seul 70% des incendies recensés sur la planète, avec plus de 4 millions de kilomètres carrés brûlés chaque année. En 20 ans, le nombre d’incendie a doublé en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, en particulier dans le bassin du Congo. Mais la plupart de ces incendies ont une particularité ; ils sont volontaires et maitrisés, sur de petites surfaces. C’est ce qu’on appelle la culture sur brûlis, le principal mode d’agriculture dans les zones tropicales humides. Avant la saison des pluies, « toutes les fins de cultures sont brûlées, parce que c’est la manière de remettre la terre en état pour planter la culture suivante la plus facile à mettre en œuvre et la plus économique, sûrement pas la moins polluante. Mais ça nourrit les sols », explique Cathy Clerbaux.
Une pratique ancestrale, qui remonte à la préhistoire, il y a des milliers d’années, parce que l’Homme s’est rendu compte que la cendre était un excellent engrais naturel, riche en carbone et en minéraux – les plantes adorent. Le problème, c’est qu’on brûle de plus en plus de forêts pour défricher et ensuite cultiver. Et ces feux de forêt rejettent dans l’atmosphère du CO2, le principal gaz responsable du réchauffement climatique. Une forêt disparue, c’est un puit de carbone en moins. Depuis peu, d’ailleurs (mais pas seulement à cause des incendies), l’Afrique émet plus de CO2 qu’elle n’en absorbe.
Fumées toxiques
Dernier problème, la pollution de l’air, qu’on respire. La fumée des incendies est particulièrement toxique. « C’est probablement le cocktail de gaz le plus dangereux que vous puissiez imaginer, avec une trentaine de molécules différentes, assure Cathy Clerbaux. Le monoxyde de carbone, c’est la plus facile à voir par satellite. Il y a surtout les particules de suie qui sont très impactantes pour les poumons. C’est au moins aussi dangereux que de fumer des cigarettes si vous vous retrouvez dans ces régions-là du monde. S’ils ont un problème pour nourrir leur population, probablement que la pollution vient dans un deuxième temps ».
Un chiffre pour comprendre l’étendue du problème : l’Afrique subit en moyenne chaque année 32 jours d’exposition importante aux particules fines nocives provoquées par les incendies – en Europe, c’est un seul jour par an… Mais ce n’est pas parce qu’on est loin qu’il faut se croire à l’abri. Ces particules toxiques, le vent les transporte parfois sur des milliers de kilomètres.
Radio France Internationale (RFI)
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