RD Congo-Rwanda : une paix encore dans les nuages !

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Pour la plupart des Congolais, l’accord de paix dit de « Washington » désole plus qu’il n’apporte un sentiment d’apaisement. Bien ficelé, en langage juridique, il ne définit cependant pas clairement les avantages de la République démocratique du Congo (RD Congo).

Car, au fond, cet accord n’est fondé que sur les intérêts individuels de deux personnes. D’ailleurs, une histoire mal dissimulée, quand on connaît la posture de ces deux personnages.

Du président américain, Donald Trump, on sait ce qu’il est, un mégalomane. Dans une interview sans filtre accordée au magazine The Atlantic, du mois de mai dernier, le président américain bombe le torse, en affirmant : « Ce que je fais est bon pour l’humanité ». Il cherche, assurément, une couronne, le prix Nobel de la paix. La gloire. Dès lors, il fait feu de tout bois : Ukraine, Gaza, Iran. Où il est à la fois pyromane et pompier.

Quant au président congolais, c’est un homme vaincu par la rébellion du M23. Qui trouve à travers cet accord une bouée de sauvetage. De dernière minute. Pour lui, le sens de ce « deal » est de protéger son pouvoir, maintenant et au-delà de son second mandat, en 2028. Si les Congolais n’ouvrent pas l’œil, et le bon.

Ainsi donc, au premier abord, il s’agit d’un accord à l’avantage des intérêts de deux personnes. L’un, au sommet de la puissance mondiale, qui prend plaisir à dicter ses volontés aux quatre vents, et l’autre, les mains dans le cambouis, cherchant le fil nécessaire d’Ariane pour sortir du labyrinthe.

Acte de capitulation

Le reste n’est que « addition ». Appendice. Car, c’est après quoi que cet accord donne place au conflit entre la RD Congo et le Rwanda. Mais aussi, et surtout, à son aspect commercial.

En gros, qu’en est-il ? L’Accord de Washington est un « acte de capitulation », de la part de la RD Congo. Après la prise de Goma et de Bukavu, chefs lieu respectifs des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, le président congolais était militairement vaincu. Or, quand on capitule, on subit les volontés du vainqueur. Qui n’est autre que le Rwanda. Derrière l’AFC/M23.

Cela étant, le Rwanda obtient ce qu’il a toujours réclamé pour sa sécurité : la neutralisation totale de Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), rébellion des Hutu responsables du génocide de 1994, réfugiés en RD Congo. Condition sans atermoiements pour que Kigali, à son tour, puisse lever des « mesures de sécurité » en vigueur, autrement dit le désengagement militaire vis-à-vis de la RD Congo.

Ce n’est pas tout. De façon beaucoup plus subtil, le pays de Kagame obtient aussi une sorte de décharge sur ses actes d’agression commis sur le territoire congolais, puisque le mot « agression » n’est mentionné nulle part dans l’accord. Et puisqu’il n’y a pas eu d’acte d’agression de la part du Rwanda, il n’y a donc pas eu mort d’hommes, par dizaines de millions dans l’est du pays. Pourtant, élaboré par l’ONU en 2010, le Rapport Mapping reconnait clairement ces massacres.

Dans ce chapitre, on ne voit non plus nulle part les dividendes tirés par la RD Congo. Bien entendu, Kinshasa exhibe en trophée la paix – une paix encore dans les nuages – que vont imposer les Etats-Unis de Trump, en échange de minerais stratégiques.

De ces minerais, parlons-en, justement. En termes simples, les minerais stratégiques seront fournis par la RD Congo, l’alma mater. Extraits par les sociétés américaines, ils seront « traités » par le Rwanda pour terminer leur parcours dans les usines américaines. Telle est l’image de la chaine de production, à travers laquelle, chacun à leur tour des trois pays signataires de l’accord, vont devoir tirer profit.

Un accord bâtard

Reste à savoir qui gagne vraiment, au sein de ce triumvirat. Selon la théorie économique de l’Egyptien, Samir Amin, « le développement inégal », c’est la dernière extrémité, donc les Etats-Unis, qui gagnent le gros lot, alors que la première, la RD Congo, gagne moins que les deux intervenants placés au milieu de la chaine. Dans le cas présent, les sociétés américaines et le Rwanda.

Sur tous les tableaux, la RD Congo est perdante. La paix de Trump est raisonnablement hypothétique. Tant que ne seront pas résolues toutes les questions de fond, notamment le problème des terres et des frontières, celui de dizaines de millions de victimes dans l’est du pays, et, par conséquent, sa solution en termes de dommages.

Il y a également l’avis du peuple dont on a fait abstraction. En théorie, le peuple ne sait absolument rien du tout de cet accord, le Parlement n’ayant pas été consulté à cet effet. Il y a donc de l’arbitraire qui entache l’ensemble de la démarche.

C’est un accord bâtard, qui ne survivra pas à ses défauts mortels. Ni Félix Tshisekedi, ni Donald Trump ne sauront imposer, à la hussarde, une paix au rabais. Au détriment des intérêts du peuple souverain.

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

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