RD Congo : le procès-Kabila, une épine empoisonnée

image-joseph-kabila RD Congo : le procès-Kabila, une épine empoisonnée

La condamnation à mort de l’ex-président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, était oisivement attendue. D’aucuns, certes, par ironie, l’ont qualifiée d’historique. Or, le mot « historique », à côté de son sens adjectival, se veut d’être compris comme « vrai ». Ce que le procès contre l’ancien président n’a pas. On en est donc dans un flou artistique.

En résumé, le procès part d’un simple témoignage, en soi léger. Car, pour convaincre, un témoin dit ce qu’il « sait », non ce qu’il a entendu dire, et encore moins ce qu’il pense. Or, le tout premier témoin – sur lequel le tribunal s’est appuyé -, dit « avoir entendu Joseph Kabila et Corneille Nangaa, le chef de la rébellion établi à Goma, parler au téléphone d’un complot visant à assassiner le président Tshisekedi. » De ce fait, « à renverser le pouvoir établi », c’est-à-dire ce qu’il pensait ; il ne dit en rien ce qu’il savait, puisqu’il ne savait rien. Il n’y avait rien à savoir.

C’est l’accusation principale, du reste, mal habillée par d’autres charges tout autant incohérentes. Comme l’apologie du terrorisme…

A partir de là, monter un procès, avec la peine de mort à la clé, relève d’une option vicieuse. D’une justice plutôt aux ordres. Comme on en connaît, par ailleurs, en RD Congo. Le régime du général Mobutu en a usé jusqu’à la corde, dont une pendaison publique. Pendaison accompagnée par une rare cruauté, le 2 juin 1966, à Kinshasa : les suppliciés avaient les yeux crevés.

Il y eut d’autres exécutions « officielles », par fusillades. Sans compter le nombre des personnes miraculeusement disparues.

Le président Mobutu cherchait-il à faire peur ? Certes. Mais, il agissait aussi de la sorte pour assouvir un appétit sanguinaire, soigneusement caché, disait-on. C’est tout cela vouloir garder éternellement le pouvoir.

Parfait épigone des dictateurs

Le « Procès-Kabila » recèle tous ces accents-là. C’est un procès visiblement politique. Les exemples, à cet égard, foisonnent à travers l’Histoire. Leur sous-bassement repose sur la conservation durable du pouvoir personnel. En Afrique, on cite souvent le cas de l’Ethiopie de Mengistu Haïlé Mariam (1987-1991). Par des procès bidons, il réussit à éliminer physiquement tous les généraux avec lesquels il a renversé l’Empereur Haïlé Sélassié Ier. Resté seul au sein du « Derg » ou « Gouvernement militaire provisoire de l’Ethiopie socialiste », il finit par fuir devant la pression du peuple.

Quid du président Tshisekedi ? Sans contexte, c’est un homme aux allures autocrates. Le tableau de sa gouvernance craque de dérives sectaires. Les tentatives de changer la Constitution à son strict avantage en sont un exemple patent. Ainsi qualifié, il opère comme Mobutu ou Mengistu, en parfait épigone de tous les dictateurs : éliminer tous les adversaires, par tous les moyens. L’Ethiopien tuait, sans vergogne ; le pouvoir congolais en place à Kinshasa, lui, utilise « l’élimination soft » : complotisme en procès judiciaire.

La méthode fonctionne avec succès. Car à l’exception de Martin Fayulu, le candidat « malheureux » à la présidentielle de 2018, tous les opposants de poids au régime de Kinshasa sont en exil, fuyant la perspective de prison. Il a fait traîner à chacun d’eux des casseroles, passibles d’une peine lourde de prison…ou de la peine capitale.

Certes, le vin est tiré, mais le procès-Kabila n’est pas clos, ses disciples ayant refusé de le boire.  Ils contestent ouvertement le verdict de la Haute Cour Militaire. Pour eux, principalement, et pour une grande partie de l’opinion nationale, ce procès est politique. A ce sujet, l’Afrique officielle observe un silence de carpe. Somme toute, un silence complice, parce que le continent nourrit dans sa majorité une certaine idée de l’autocratie. A l’international, les gens ont autre chose à faire que de s’occuper de cette partie du monde réfractaire aux vertus de la démocratie libérale.

Quoi qu’il en soit, le procès-Kabila va continuer à faire des vagues, étant donné son lien avec la rébellion du AFC/M23. Pourtant, cette dernière occupe une bonne portion du territoire national dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. C’est une épine, empoisonnée, sous le pied de Kinshasa. D’autant que les effets d’un procès litigieux de ce rang vont certainement impacter les accords de paix, sous l’égide des Etats-Unis. Et donc le retour à la case départ, sinon la reprise de la guerre.

Enfin, Frédéric Pottencher, écrivain français et auteur de « Les Grands Procès de l’Histoire » ne dit pas autre chose quand il écrit que « la justice est un jeu terrible et dangereux soumis aux caprices du Pouvoir ».

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

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